Le match des deux films sur Yves Saint Laurent

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Thorn
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Le match des deux films sur Yves Saint Laurent

Messagepar Thorn » 22 Fév 2014 18:50

Le match des deux films sur Yves Saint Laurent

challenges.fr - 19.01.14




Après une année 2013 poussive, le débat sur le cinéma français est relancé par le rapport Bonnell, qui appelle à un mode de production plus soucieux de rentabilité. Les deux films consacrés à Saint Laurent illustrent la dichotomie.

A l’Elysées Biarritz, le 7 janvier, Etienne Mallet, président de CinéFrance 1888, est limite gêné. Dans cette vaste salle de projection en marge des Champs-Elysées, la foule de ses invités venus à l’avant-première du film Yves Saint Laurent n’arrive pas à s’asseoir. Il faudra même improviser une seconde séance. Car les présents ne sont pas seulement des amateurs de glamour, venus apprécier la performance de Pierre Niney en Saint Laurent et de Guillaume Gallienne en Pierre Bergé. Il y a aussi dans la salle une belle brochette d’investisseurs, assistant sans le savoir à un road show bancaire. Sur scène, Etienne Mallet ne parle que de "rentabilité", d’"esprit d’entreprise", de "risque"…


Modèle américain

Des mots sales dans le monde bien policé du cinéma français. Mais qui passionnent une partie des spectateurs, pas seulement là pour bavarder avec les deux interprètes autour d’une coupe de champagne. Non, ils sont aussi venus pour voir à quoi ressemble le bébé, tout simplement parce qu’ils ont misé sur lui. Yves Saint Laurent est le deuxième film, après Neuf Mois ferme, dont une partie du financement est assurée par ce fonds privé, parrainé par la banque Neuflize OBC. Ce mécanisme – du private equity culturel, mais sans les ceintures et les bretelles –, très usité aux Etats-Unis, était jusqu’alors inconnu en France.

Et c’est le lendemain que sortait le rapport de René Bonnell, l’ex-Monsieur Cinéma de Canal+, une référence incontournable dans ce monde du cinéma qui a très mal vécu l’année 2013 : "Il faut revoir les équilibres financiers et faire entrer des capitaux dans la branche, car elle s’asphyxie", avertit le pape de la profession. Qui craint que la notion de risque appliquée au cinéma, façon CinéFrance, ne "rencontre des résistances tellement elle diffère des habitudes très anciennes prises en matière de financement de la production".

Exemple avec l’autre Saint Laurent. Car au moment où Yves Saint Laurent, de Jalil Lespert, se taille un joli succès en salles, un film signé Bertrand Bonello entre en montage en espérant être sélectionné à Cannes. La différence entre les deux œuvres consacrées au couturier n’est pas seulement artistique. Certes, l’un est un film sur "Yves" raconté par "Pierre" ; l’autre sera centré sur l’artiste, le mystère de la création et son prix ; l’un s’intéresse aux années 1950-1976, l’autre à la période 1967-1989 ; l’un est porté par Pierre Bergé, qui a prêté les robes et l’atelier originel de l’avenue Marceau, l’autre est combattu avec hargne par le même Bergé. Mais la vraie cassure porte sur un autre point essentiel : leur modèle de financement. Contrairement au Lespert, qui recourt à un fonds privé, le Bonello se coule dans le système classique du cinéma français : il est entièrement préfinancé, à l’instar de ce que pratiquent les promoteurs immobiliers lorsqu’ils vendent un immeuble sur plan. Le risque est transféré, en amont, à différents protagonistes : un morceau a été prévendu à Arte, un autre à Canal+, etc.


Intéressement au succès

A eux deux, Yves Saint Laurent et Saint Laurent résument le débat qui traverse le cinéma français depuis un an, accusé de se faire sans risques financiers et sans préoccupation de rentabilité. "Il faut introduire l’esprit d’entreprise dans ce secteur", martèle Etienne Mallet. En clair, "nous ne finançons que des films pour lesquels nous avons convaincu, préalablement, le producteur et les principaux talents d’être en participation". Ainsi, plutôt que de ramasser le pactole avant le premier tour de manivelle, ce qui fait exploser le budget, ces derniers prennent le risque de l’échec ou… du succès. Un carton, et les recettes remontent très vite. A l’opposé, pour le film concurrent, Saint Laurent, Eric Altmayer (Mandarin) a opté pour le montage classique, sur lequel repose le cinéma depuis vingt ans : le producteur ne peut pas perdre sa chemise s’il a tenu son devis et les comédiens prennent leur gain en amont. En contrepartie de ce moindre risque, Altmayer devra attendre de vendre le deuxième passage de Saint Laurent à la télévision, dans quatre ans, pour engranger de nouvelles recettes. Il a l’habitude : lui et le réalisateur Michel Hazanavicius commencent tout juste à revoir la couleur de l’argent d’OSS 117, sorti en… 2006.

L’électrochoc a eu lieu le 28 décembre 2012, et, depuis, on ne parle que de cela dans le petit milieu. Vincent Maraval, auquel la distribution en salles d’Astérix 4 avait laissé une ardoise proche de 5 millions d’euros, vitrifiait dans Le Monde ce cinéma déconnecté de l’économie réelle. Le salaire des stars ? "Il constitue la vraie exception culturelle aujourd’hui. […] Leur cachet fait de nos talents – inconnus au-delà de nos frontières – les mieux payés du monde." Le coût des films ? "Le cinéma repose sur une économie de plus en plus subventionnée. Même ses plus gros succès commerciaux perdent de l’argent. […] Ce sont des échecs économiques, car ils coûtent beaucoup trop cher." Lorsque Maraval a jeté sa bombe, beaucoup ont jugé qu’il était urgent de ne rien toucher.

Mais la kyrielle d’échecs retentissants qui ont jalonné l’année 2013 (Des gens qui s’embrassent, Turf, Angélique…) a empêché la polémique de s’éteindre. La cruelle réalité a même contraint aux mea culpa. Jérôme Seydoux, le président de Pathé, reconnaît que "2013 a été une très mauvaise année" pour son groupe, qu’à l’avenir il se "concentrera sur moins de films" et va "revoir la répartition des risques". Mais, série statistique à la main, il démontre qu’il y a tout de même une corrélation entre gros budgets et gros succès. Lors des rencontres annuelles des auteurs-réalisateurs-producteurs à Dijon, en octobre dernier, une table ronde jouait la provocation en choisissant pour thème "A-t-on le droit de parler de transparence et de rentabilité dans le cinéma ?". Vincent Grimond, l’associé de Vincent Maraval au sein de Wild Bunch, en convenait : "Les distributeurs français sont allés très joyeusement et très hystériquement mettre des sommes très significatives sur des films. On a eu tellement de coups de cœur qu’on s’est un peu laissé aller", assurant qu’il se montrait désormais "plus strict".


Rentabilité à long terme

En réalité, la polémique porte sur la rentabilité des films lors de leur exploitation en salles. Ainsi, le classement annuel de BFM Business, publié le 6 janvier, conclut que seuls 10% des films de 2013 sont bénéficiaires, et, parmi eux, aucun des vingt plus gros budgets. Constat spectaculaire. Mais partiel, comme le démontre une étude du CNC, publiée au même moment et menée sur 1.283 films sortis entre 2004 et 2011 : les œuvres s’amortissent en réalité sur au moins dix ans. Prenons le millésime 2004 : 40% des recettes ont été générées au-delà de la première année d’exploitation. Et 84% de ces longs-métrages engrangeaient encore de l’argent huit ans après. Eric Altmayer abonde : "J’ai fait faire le bilan de nos productions sur longue période : trois films sur quatre se sont révélés rentables."

Pour trancher le débat ouvert par la tribune de Maraval, René Bonnell a donc été convoqué avec ses impressionnants états de service. Docteur en sciences économiques, il livre un pavé de 174 pages, truffé de chiffres et assorti de 50 propositions portant, entre autres, sur un accroissement de la transparence des comptes, la maîtrise des coûts de production, l’apport de capitaux complémentaires… L’ancien patron du cinéma à Canal+ – tout le cinéma français a baisé son anneau quand il régnait sur le magot de la chaîne cryptée – connaît par cœur les petites magouilles et les grands scandales, l’indécence des uns et la paupérisation des autres. Il avait prévenu : "On ne peut pas tripoter à la marge la réglementation et se contenter de mesurettes." Il a tenu promesse, et de nouvelles polémiques sont en vue. Avec un sens consommé de la nuance, Alain Terzian, président de l’Union des producteurs de films, cingle : "Appliquez les 50 propositions de M. Bonnell telles quelles et, dans deux ans, trois ans, le cinéma français est mort !"


Télés moins contributrices

La crise du cinéma ? Des étrangers auraient de quoi ironiser sur ce secteur qui se lamente, mais où deux films sur le même sujet, Yves Saint Laurent, trouvent un financement et obtiennent même tous deux le concours de Canal+. Simplement, "on a vécu une période extatique où les recettes augmentaient pendant qu’on dormait", a résumé Vincent Grimond, à Dijon. En fait, le système a été conçu à une époque où les abonnements à Canal+ et la publicité sur TF 1, M 6, France 2, France 3 croissaient sans discontinuer. Toutes ces chaînes injectaient dans le cinéma une somme qui augmentait mécaniquement chaque année, car calculée sur leur chiffre d’affaires. Or la publicité baisse. Des incertitudes pèsent sur l’avenir de Canal+, concurrencée par la chaîne qatarienne BeIN pour le sport et, un jour ou l’autre, par l’américaine Netflix (qui offre à prix bas un service d’abonnement vidéo) pour le cinéma. Pour ne rien arranger, la crise a mis aux abonnés absents les Italiens et les Espagnols, dont les apports permettaient de boucler des plans de financement. Bref, les fissures surgissent de toutes parts.

D’où l’urgence, soulignée par René Bonnell, de trouver des alternatives de financement. Le fonds CinéFrance 1888 a anticipé le mouvement. "Le cinéma, ce n’est pas forcément le casino", assure Etienne Mallet. "A condition d’y appliquer une rigueur industrielle absolue", complète Thierry Brunel, conseil de family office qui a misé sur ce fonds pour ses clients fortunés et vise un retour minimal de 15%, en espérant 20 à 25%. CinéFrance a réuni sans problème 40 investisseurs qui ont souscrit 25 millions d’euros. Un second fonds similaire est sur les rails. Côté talents, l’exemple d’Albert Dupontel, le premier à avoir sauté le pas, pourrait faire école. Producteur, réalisateur, acteur de Neuf Mois ferme, il s’était très peu rémunéré pour ce film, rentable à partir de 500.000 entrées. Il en a enregistré 2 millions. Bingo !

Par Véronique Groussard


Source :
http://www.challenges.fr/

Article original :
http://www.challenges.fr/media/20140117 ... urent.html

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