On écrit pour gagner notre vie, pas pour gagner des concours

Comme il n’y a pas que le cinéma dans la vie, parlez de tout ce que vous voulez (... et même de cinéma !)

Modérateurs : Guido, Lully, Thorn, monsieur_vincent, Moa

[phpBB Debug] PHP Warning: in file [ROOT]/vendor/twig/twig/lib/Twig/Extension/Core.php on line 1107: count(): Parameter must be an array or an object that implements Countable
Avatar de l’utilisateur
Thorn
Messages : 2050
Enregistré le : 28 Oct 2005 13:30
Localisation : Lyon
[phpBB Debug] PHP Warning: in file [ROOT]/vendor/twig/twig/lib/Twig/Extension/Core.php on line 1107: count(): Parameter must be an array or an object that implements Countable

On écrit pour gagner notre vie, pas pour gagner des concours

Messagepar Thorn » 29 Mar 2013 14:54

Coup de gueule de scénariste: on écrit pour gagner notre vie, pas pour gagner des concours !

huffingtonpost.fr - 29.03.2013

En janvier dernier, des accords ont été signés entre la SACD, les syndicats de producteurs et la Guilde des scénaristes: "ce sont des accords importants", qui "vont être une avancée majeure dans les liens de confiance entre les différents acteurs, mais aussi dans l'amélioration des processus de production", a déclaré la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti.

C'est vrai que ces accords protègent bien mieux les scénaristes et établissent des nouvelles pratiques contractuelles: par exemple, un producteur télé ne pourra plus proposer un projet à une chaîne sans avoir établi au préalable un contrat avec son auteur. Pour vous faire une idée sur la façon dont cela pouvait se passer avant, : a priori, les propos qui y sont relatés ne pourraient plus avoir lieu aujourd'hui. Et c'est tant mieux.

Néanmoins, certains "processus de production" font encore des gros couacs. Ainsi, se doutant de ma réaction, un ami réalisateur m'a fait suivre une annonce qui circule actuellement.

La voici, suivie des commentaires qu'elle me semble mériter.

----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
WEB SERIE CHERCHE SON SCENARISTE PAR CONCOURS
La série "Les Giiirls!" fait son retour sur le web grâce au soutien logistique et financier d'Arte Créative. Paramonde Production cherche le scénariste / dialoguiste d'une première volée de 10 épisodes trash et drôles. Format: 3 minutes.

Le teaser de la série: https://vimeo.com/47361388
Son dossier de production: http://www.paramonde.fr/transfert/Giiir ... IIIRLS.pdf
Le site http://www.giiirls.fr regroupe de nombreuses infos sur les personnages et sur le ton de la série.

Les scénarios peuvent être développés à partir de pitchs consultables sur http://www.giiirls.fr/pitchs.htm ou d'inspiration libre. Date limite d'envoi de votre proposition de scénario: 20 avril 2013 (possibilité de proposer plusieurs scénarios par candidat) à contact@paramonde.fr ou Paramonde, 35 rue de la mare, 75020 Paris. L'annonce du choix de l'auteur retenu pour l'écriture des 10 épisodes rémunérés (500 euros / épisode) sera faite le 1er mai 2013 au plus tard. L'auteur retenu devra pouvoir se mettre très rapidement à l'écriture de la série.
----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Les annonces de ce type circulent régulièrement, elles peuvent aussi prendre l'aspect d'un appel d'offre. Aussi, je ne vais pas tourner autour du pot :


Les concours de scénario sont une arnaque.

Etre scénariste, ce n'est pas chercher à attraper la queue du Mickey dans un manège de la Foire du Trône.

Gagner sa vie, cela ne se fait pas par loterie ou jeu-concours. Ces systèmes de recrutement par concours de scénaristes sont pervers, car ils manipulent les attentes des scénaristes en les fragilisant et en les infantilisant.


-> Ils les fragilisent parce que :

1. Pour un scénariste retenu -sur des critères très subjectifs et opaques (rappelons-nous l'affaire Canal-Bohringer)-, combien auront travaillé pour rien? Combien d'heures de travail perdues cela représente t-il (puisque le sujet imposé empêche que le travail soit exploitable autrement)? Quelle somme de travail non rémunérée, de temps gâché? Quitte à travailler pour rien, autant que le scénariste développe un travail personnel, qui lui appartient et qu'il sera libre de présenter à qui il veut.

2. Cela crée une ambiance détestable dans le métier, où les scénaristes, qui ont déjà tendance à être isolés, se perçoivent les uns les autres avec méfiance parce qu'ils sont mis en concurrence, là où ils devraient s'unir pour dénoncer ces abus.


-> Ils les infantilisent parce que:

1. La plus grande partie d'entre nous n'a plus l'âge de passer des examens. Ce système de concours est l'avatar d'un système de sélection bêtement scolaire. Un scénario, ce n'est pas une copie de dissertation qu'on corrige avec un feutre rouge et qu'on sélectionne pour lire en classe.

2. Gagner un concours devient la carotte. Etre le meilleur occulte la question de la rémunération, qui devient secondaire. Le scénariste vainqueur est heureux, il est fier d'avoir été sélectionné et d'être le premier de la classe. Comme il a ainsi obtenu une gratification immédiate, il est prêt à accepter sans discuter une rémunération dérisoire (500 euros pour un épisode!).


Il faut que les scénaristes -notamment les débutants, parce qu'ils sont souvent tentés d'accepter n'importe quoi par simple reconnaissance du fait qu'on s'intéresse à eux, ou parce que "on leur donne leur chance"- se mettent ça dans le crâne: il ne faut jamais écrire une ligne gratuitement pour des appels d'offre et autres concours. D'ailleurs, il ne faut jamais accepter d'écrire quoi que ce soit gratuitement.

Si un producteur veut sélectionner ou recruter un scénariste, il peut lire des travaux antérieurs que le scénariste est à même de lui proposer de découvrir, s'il ne les connaît pas déjà. Quand un producteur sait lire un scénario, quand il est professionnel, quand il connait son travail, il est capable de reconnaître le talent d'un scénariste et de le recruter en appréciant ce qu'il a déjà écrit. Pour moi, même s'ils représentent une avancée considérable, les derniers accords producteurs-syndicats de scénaristes ne vont pas encore assez loin. Tout pitch, toute ligne écrite à la demande d'un producteur devraient être rémunérés.


On écrit pour gagner notre vie. Pas pour gagner des concours.

Ce système de concours est un moyen scandaleux pour des producteurs peu scrupuleux de disposer d'une somme de travail et d'un choix considérable de textes sans avoir à débourser un seul centime. Le mot "concours" auréole ce type d'annonce d'une pseudo-respectabilité institutionnelle, plaçant ipse facto les responsables de production dans une position d'autorité. Or, un producteur n'est ni professeur, ni membre de jury. Son travail avec le scénariste devrait être basé sur la collaboration et la rémunération, non sur la domination et l'exploitation.

Rencontrer un producteur, ce n'est pas passer l'oral du bac: le scénariste doit aussi évaluer la personne avec qui il peut être amené à travailler pendant de longs mois. Il doit se demander s'il a envie de collaborer avec elle. Il n'a aucune raison de se mettre en position de faiblesse. Les concours et autres appels d'offre suppriment cette étape indispensable, car ils placent d'emblée les scénaristes-candidats dans une position d'allégeance puisqu'en participant au concours, ils en acceptent sans discuter les règles. Les syndicats, la SACD, les agents de scénaristes devraient condamner fermement ces pseudo-concours, qui semblent être vraiment une maladie française.


Et les scénaristes devraient les boycotter.

Ce type d'annonce est assez révélateur du rapport de force existant entre producteurs et scénaristes. Les accords de janvier ne vont pas faire changer les mentalités du jour au lendemain. Mentalités qui ont eu pour la création française les conséquences que l'on sait: faiblesse de nos fictions, imaginaire en perdition, savoir-faire à la dérive, perte des repères, des standards de qualité... Pour changer cela, il faut reconnaître la place centrale que les scénaristes occupent dans la création de fictions, que ce soit au cinéma ou à la télévision. Trop souvent encore, la paternité d'un film est attribuée en France exclusivement au réalisateur. Les journalistes des rubriques culturelles et les critiques cinématographiques sont encore marqués par l'héritage d'une Nouvelle Vague (qui n'est plus vraiment Nouvelle depuis belle lurette), et qui, en sacralisant excessivement le réalisateur, forcément auteur, forcément artiste, a oblitéré le travail du scénariste et rendu sa vocation particulièrement difficile. Cette sacralisation continue toujours à déclencher chez certains (et certaines) des ambitions de scénariste-auteur-réalisateur, catastrophiques pour le cinéma et pour ceux, nombreux, qui pensent que l'ennui et l'amateurisme n'ont jamais été des critères de qualité.

Scénariste et réalisateur sont deux métiers complémentaires mais différents, avec des techniques différentes et donc un apprentissage différent. Et je connais suffisamment la fiction filmée, qu'elle soit cinématographique ou télévisuelle, pour savoir que reconnaître l'immense responsabilité d'un scénariste dans la réussite d'un film n'enlève rien au talent d'un réalisateur. Il faut donc changer ces mentalités, car en persistant à aussi mal considérer les scénaristes, à réduire le scénario à une sorte d'esquisse, de travail préparatoire que transcenderont le réalisateur et le talent des comédiens, c'est la création française au cinéma et à la télé qu'on tue lentement, sûrement.

Enfin, reconnaissons-le: peu nombreuses sont les fictions télé françaises susceptibles de déclencher des vocations de scénaristes et de raconteurs d'histoire. Qu'elles aient lieu entre scénaristes, amis ou collègues de bureau, dans les cours d'école, les dîners en ville ou les repas de famille, lorsque j'entends les discussions enthousiastes et passionnées que suscitent les séries télés américaines et anglaises, je me dis parfois que nous pouvons leur être reconnaissants de préserver notre imaginaire du dessèchement. La qualité, l'exigence, le respect du public sont toujours sources d'inspiration. Ce sont les œuvres d'aujourd'hui qui donneront naissance à celles de demain. Pas les concours.

Ceux qui sont tentés de faire éternellement passer des concours et des examens aux scénaristes seraient plus inspirés de mettre en place les conditions artistiques et financières qui permettront qu'un jour, en France, à la compétition stérile se substitue enfin l'émulation.

Par Antoine de Froberville


Source :
http://www.huffingtonpost.fr/

Article original :
http://www.huffingtonpost.fr/antoine-de ... _ref=false

[phpBB Debug] PHP Warning: in file [ROOT]/vendor/twig/twig/lib/Twig/Extension/Core.php on line 1107: count(): Parameter must be an array or an object that implements Countable
[phpBB Debug] PHP Warning: in file [ROOT]/vendor/twig/twig/lib/Twig/Extension/Core.php on line 1107: count(): Parameter must be an array or an object that implements Countable
[phpBB Debug] PHP Warning: in file [ROOT]/vendor/twig/twig/lib/Twig/Extension/Core.php on line 1107: count(): Parameter must be an array or an object that implements Countable

Retourner vers « Café Court non sucré »

Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum : Bing [Bot] et 28 invités